INTRODUCTION
Il est difficile de séparer désir et excitation chez la femme, car même si théoriquement ce sont 2 entités avec leurs causes propres, souvent même les patientes ne connaissent pas la différence.
Le Désir se passe « dans la tête »,
L’Excitation se passe « dans le corps ».
Même chose pour l’homme qui pense avoir un problème de libido alors qu’il pense tout le temps au sexe et qu’en fait il n’arrive pas à avoir d’excitation.
LE DESIR
« Le désir sexuel est l’énergie psychobiologique qui précède et accompagne l’excitation sexuelle et incite à avoir un comportement sexuel. Il résulte de l’interaction du système neuroendocrinien qui donne naissance aux pulsions, du processus cognitif qui génère le désir et du processus motivationnel qui induit l’empressement de la conduite sexuelle ».
« C’est l’état psychologique qui reflète la conscience de ce qu’on veut faire ou sentir ou avoir et que l’on n’a pas maintenant, ni que l’on sent ou fait mais, dont la réalisation est associée à du plaisir ».
EXCITATION SEXUELLE
Une excitation sexuelle est une stimulation du désir sexuel, pendant ou dans l’anticipation d’une activité sexuelle.
Les tendances précipitant l’activité sexuelle humaine sont appelées stimuli érotiques.
Il existe certains stimuli potentiels, tous deux physiques et mentaux, qui peuvent causer l’excitation d’un individu. L’excitation sexuelle conduit souvent à des changements physiologiques chez l’individu excité. Certains de ces changements se prononcent grandement tandis que d’autres sont plus subtils.
Selon le DSM IV : 2 définitions
« Déficience (ou absence) persistante ou répétée de fantaisies imaginatives d’ordre sexuel et de désir d’activité sexuelle ». Pour faire la différence entre déficience et absence, le clinicien doit tenir compte des facteurs qui retentissent sur le fonctionnement sexuel (âge, contexte existentiel).
« Insuffisance ou absence persistante ou récurrente de désir d’activité sexuelle solitaire ou avec partenaire(s) et/ou de fantasmes sexuels conscients et excitants et responsable d’une souffrance personnelle ».
Les recherches sur la sexualité féminine ont été influencées, voire biaisées, parce que référées pour la plupart à la sexualité masculine, mieux connue et réputée plus simple.
FREUD disait dans ses « Nouvelles Conférences sur la psychanalyse » en 1916 : « L’accolement des mots «libido, féminine» ne peut se justifier ».
I – LE DESIR SEXUEL HYPO-ACTIF
A – Définition
« Insuffisance ou absence persistante ou récurrente de désir d’activité sexuelle solitaire ou avec partenaire(s) et/ou de fantasmes sexuels conscients et excitants et responsable d’une souffrance personnelle ».
A noter : Le sentiment de détresse personnelle est le critère principal par rapport à la fréquence des rapports sexuels.
L’importance des aspects culturels et normatifs.
B – Les « normes » de la fréquence des rapports sexuels
D’après l’étude ACSF de 1993 : (Analyse des comportements sexuels en France)
2 rapports sexuels /par semaine en moyenne.
Les relations sexuelles ont tendance à diminuer avec l’âge des partenaires et du l’âge du couple…
18% des hommes et 33% des femmes n’ont pas de RS (GSS)
13% des couples ont moins de 1 fois/mois.
En général, la fréquence des relations sexuelles par semaine est : de 2 à 4 /semaine.
Mais, l’influence médiatique (pornographique) et sociale, véhiculent des cognitions trompeuses et anxiogènes…
C – Diagnostic différentiel :
Le diagnostic différentiel entre : excitation, orgasme, dyspareunies…
Différencier le désir sexuel hypoactif de l’aversion sexuelle qui est :
« une difficulté d’acceptation ou évitement des contacts sexuels, persistante ou récurrente, pouvant aller jusqu’au dégoût, au rejet et au comportement phobique, et responsable d’une souffrance personnelle » et qui relève de la psychiatrie.
D – Étiologie :
Le DSH n’est pas du à une seule cause, mais des facteurs très différents qui s’additionnent somatiques : Endocriniennes, autres… Psychologiques, psycho pathologiques, relationnels, sociaux, culturels…
II – LES TROUBLES DE L’EXCITATION
A – Physiologie
L’excitation sexuelle comprend deux composantes :
une composante physique caractérisée par une congestion génitale et une lubrification vaginale résultant de la relaxation des muscles lisses de la paroi vaginale et de l’augmentation du flux sanguin dans le clitoris, des lèvres et de vagin, une tumescence clitoridienne et une vasodilatation responsable de la transsudation vaginale (lubrification) associée à une réponse musculaire modifiant la lumière vaginale (ballonisation du 1/3 proximal du vagin et rétrécissement du tiers distal).
Une composante psychique ou subjective nécessitant une prédisposition émotionnelle préalable, une exaltation de l’imaginaire et des sens, qui modifie le comportement de façon à ce qu’elle s’auto-intensifie visant à un renforcement du plaisir dans l’intention d’atteindre une satisfaction. Les sensations subjectives d’excitation féminine sont très influencées par l’appréciation du contexte des stimuli sexuels (éléments cognitifs).
B – Définitions
L’insuffisance d’excitation sexuelle est définie par :
Une difficulté ou une incapacité persistante ou récurrente à percevoir ou conserver un niveau d’excitation psychique et/ou physique, habituellement associées mais pouvant être dissociée, et responsable d’une souffrance personnelle.
Une incapacité persistante ou répétée à atteindre, ou à maintenir jusqu’à l’accomplissement de l’acte sexuel, une activité sexuelle adéquate (lubrification, tumescence).
La perturbation est à l’origine d’une souffrance marquée ou de difficultés interpersonnelles.
C – Etiologies
Les causes de l’insuffisance d’excitation
– Manque de capacités physiques
– Manque de sensations subjectives d’excitation = manque de congestion pelvienne et de lubrification.
Les facteurs qui vont favoriser l’insuffisance d’excitation sexuelle : Le mariage, frustration, fréquence sexuelle basse, manque de communication entre partenaires, 1ère expérience frustrante, pathologie organique associée,
Elles peuvent être liées à la jalousie (contrôle, collage) voire les violences psychologiques ; c’est pourquoi il est important de faire une bonne évaluation afin de pouvoir proposer une thérapie de couple dans ce genre de situation.
TERMINOLOGIE
Il existe de nombreuses façons de qualifier le désir sexuel : libido, intérêt sexuel, appétit, pulsion et instinct sexuel.La baisse de désir sexuel est qualifiée de :
Apathie sexuelle, malaise sexuel, anorexie sexuelle, et Désir Sexuel Hypo actif (HSD).
CONTEXTE MAROCAIN
En Arabe :
a) Désir = (3ichq, Raghba, Chahwa, Chawq…),
b) Plaisir = (Ladha, Mout3a…),
c) Excitation = (Al Itara Al Jinsiya)
Confusion dans notre langage entre plaisir et désir.
Mais il y’a un problème de définition : Qu’est ce qu’un désir sexuel « normal ?
Il n’y a pas de standard de comparaison, problème de quantification, désir différent chez les hommes et les femmes ? Il y aurait une différence liée aux hormones : effet des androgènes chez les hommes, moins évident chez les femmes.
EPIDEMIOLOGIE :
Épidémiologie des troubles du désir chez la femme : Femmes non ménopausées : 11 à 33% selon les études. Femmes ménopausées : 33 à 53% selon les études. C’est dans les sociétés où la ménopause est valorisée qu’il y a moins de troubles du désir. Mais, ce sont les facteurs lies à l’âge et au partenaire qui sont les plus influents sur le désir.
Plus d’une femme sur 3 ressent une souffrance personnelle liée à la baisse du désir sexuel. Enquête sur 1356 femmes de 20 à 70 ans en France, Allemagne, Italie & GB. Les femmes les plus âgées sont plus sujettes à la baisse de désir sexuel, Les femmes les plus jeunes sont plus exposées à une souffrance psychologique secondaire.
Lorsque l’on fait remplir une échelle de souffrance aux femmes qui ont des troubles du désir en France, 70% disent en souffrir, alors qu’en Allemagne seulement 17% des femmes qui se plaignent de troubles du désir ont un résultat au test de souffrance significatif.
Il est assez rare qu’une femme qui consulte pour trouble du désir sexuel et n’en souffre pas, même si on peut imaginer que parfois c’est le partenaire qui la ramène en consultation car c’est lui qui en souffre, d’où la difficulté de la prise en charge.
De toute façon, il faut d’abord voir les individus en couple avant de les voir individuellement. La baisse du désir sexuel va impacter sur le bien-être et la vie relationnelle de la femme avec : un sentiment de culpabilité vis-à-vis du partenaire dans 90% des cas, une préoccupation dans 80 % des cas, qui va devenir une frustration dans 68% des cas, pouvant aboutir à un sentiment d’échec dans sa vie sexuelle chez près de 50% des femmes ressentant une baisse de désir associé à des émotions négatives.
ASPECTS CLINIQUES
Manifestations cliniques :
Modalités d’installation, brutale ou progressive.
Selon l’historique : Primaire, depuis le début de la vie sexuelle ou secondaire : acquis après une période d’activité sexuelle normale,
Selon le contexte : Généralisé, dans toutes les situations ou sélectif : circonstances ou partenaires particulières.
Manifestations cliniques :
Selon le caractère : Permanent ou capricieux,
Selon la fréquence : Le HSD retentit généralement sur la fréquence, des relations sexuelles, de quelques rapports sexuels par an jusqu’à l’abstinence la plus totale
Selon l’étiologie : Organique, psychogène ou mixte.
La symptomatologie associée :
Les symptômes sexuels : Troubles de l’orgasme, vaginisme, dyspareunie.
Les symptômes non sexuels : Dans le cadre d’une maladie aiguë ou chronique.
La plainte somatisée : Insomnies, céphalées, migraine, troubles de l’humeur, dépression…
CRITERES D’EVALUATION DU DSH :
Certaines questions indirectes permettent d’évaluer l’intensité et la réalité du désir du patient : L’âge des premiers rapports sexuels, la fréquence des masturbations, des initiatives sexuelles, des rapports sexuels, des fantasmes et des rêves érotiques…
La fréquence des relations sexuelles :
Il faudrait prêter attention entre : la fréquence désirée et la fréquence effective des relations sexuelles.
La dimension fantasmatique :
Le fantasme est l’ensemble de représentations imagées, mettant en scène le sujet et traduisant ses désirs conscients et inconscients de celui qui l’élabore.
Le fantasme est le meilleur aphrodisiaque du désir sexuel. Les femmes présentant un trouble de désir, ont en général une certaine pauvreté fantasmatique.
La dimension cognitive et comportementale :
Évaluer les croyances irrationnelles ou conditionnement négatif : expérience précoce malheureuse, culpabilité, mauvais apprentissage, traumatisme ou abus sexuel, entraînent : manque de confiance et d’estime de soi.
Manifestations d’idées négatives, résultant d’une éducation restrictive, religieuse ou morale, entrainant :
Une dévalorisation de la sexualité et réduisant l’intérêt du sujet pour les relations sexuelles.
Evaluer la problématique du couple : divergence d’idées, mésentente (conflits, hostilité), manque d’attraction, troubles de communication, durée de la relation, monotonie, manque d’amour, dysfonction sexuelle du partenaire, syndrome de deuil non résolu, problème médical ou psychiatrique du partenaire, discordance des scénarios et des attentes de chacun.
Dimension clinique :
Il faut faire une évaluation clinique détaillée à la recherche de dysfonctions associées. Dysfonctions sexuelles = trouble du désir. Le mécanisme serait dû à l’appréhension de : l’anxiété de performance, la peur de l’échec, la crainte du jugement de l’autre.
En résumé :
Les femmes qui présentent une baisse du désir ont : une fréquence basse des relations sexuelles, une pauvreté fantasmatique, une difficulté à établir des relations amicales et sexuelles.
ENQUETE ETIOLOGIQUE
Étiologies organiques :
Causes endocriniennes : troubles endocriniens, prolactinémie spontanée ou iatrogène (neuroleptiques…).
Maladies générales : grippe, cirrhose ou affections chroniques…
Causes toxiques : substances addictives ( Alcool, cannabis, cocaïne…)
La baisse du désir peut être une conséquence physiologique d’une maladie aigue, chronique ou résulter des effets de cette maladie en termes de : (Souffrance physique, handicap fonctionnel, altération de l’image du corps, pronostic vital…).
Étiologies psychogènes :
Primitives : facteurs éducatifs. L’attitude parentale : Une éducation sévère, restrictive, religieuse ou morale entraine un conditionnement négatif à l’égard de la sexualité.
Antécédents de traumatisme sexuel : à type de viol ou tentative de viol, parfois incestueux.
Primitives : Agénésie affective.
L’absence réelle ou imaginaire des parents, l’absence de communication érotique et affective, retentit sur le développement psychoaffectif de l’enfant qui aura des difficultés à construire une image de couple normal.
Les phobies sexuelles, c’est l’organisation de l’anxiété sexuelle primitive autour des facteurs éducatifs, mauvaise image corporelle.
Les conflits intrapsychiques : les crises d’identité sexuelle, la pulsion homosexuelle (inconsciente), chez des personnes habituellement hétérosexuelles.
Ce sont des personnes qui se plaignent faussement de DSH et consultent sous la pression de leurs partenaires.
Les agénésies fantasmatiques :
Le désir sexuel est alimenté par le fantasme et l’objet désiré. Mais, le problème en thérapie se pose avec: les patientes sans notion de fantasme ou celles qui ont des inhibitions d’ordre éthique ou morale à l’élaboration de fantasmes érogènes et vont avoir un sentiment de culpabilité, car considérés comme une ébauche d’adultère.
Secondaires :
Angoisse ou anticipation de l’échec : les échecs répétitifs et le manque de gratification, entrainent une conduite d’évitement et un refoulement du désir. Des pensées négatives et un parasitisme mental entrainent un DSH.
Dépression : le DSH est une manifestation constante de la dépression. DEPRESSION = DSH. Sur le plan fonctionnel, la dépression se traduit par une perte d’intérêt sexuel, jusqu’à l’abstinence la plus totale.
Les facteurs sociaux et environnementaux : un environnement défavorable, un statut social de dominée, une situation professionnelle non gratifiante, les conditions d’habitation exiguë, entrainent un manque d’intimité vis à vis des enfants.
Les conjugopathies : l’accoutumance ou l’habitation, la monotonie des mêmes gestes, mots, séquences, vide la relation conjugale de son érotisation.
La disponibilité du partenaire : fait que l’objet du désir perd sa valence érotique par sa disponibilité et sa possession.
La désexualisation du conjoint = substrat parental.
Autres causes :
L’abstinence sexuelle : célibataires, veuves, divorcées, expatriées ou conformisme religieux…
La stérilité : Quand de l’objectif de la relation sexuelle est la conception et/ou la fertilité, confondues, à tort avec féminité.
TRAITEMENT
Le rôle du médecin est celui d’écouter, d’expliquer et de conseiller.
En général, en dehors des causes organiques repérables le traitement est obligatoirement psychothérapique : (Psychothérapie individuelle, psychothérapie de couple, sexothérapie), associé à un traitement médicamenteux et dépend de :
Désir de changement et des capacités intellectuelles de la personne à prendre en charge.
L’attitude du partenaire, difficile à impliqué, dans le contexte marocain.
CONCLUSION
Le trouble du désir féminin est une dysfonction sexuelle difficile à résoudre, à la fois au niveau de sa problématique, son évolution, son traitement, nécessitant un niveau d’écoute et une disponibilité exemplaire.
Pour conclure, la sexualité en général et le désir en particulier, sont des questions d’une éducation sexuelle, malheureusement occultée et prohibée dans notre contexte arabo-musulman.